L’Egypte et ses 87 pyramides
Les pyramides ont longtemps fait rêver. Les Pyramides de Chéops, Chéphren, Mykérinos, Saqqarah, la pyramide rouge ou encore celle de Snéfrou sont des noms enchanteurs synonymes d’aventure et de découverte.
A Gizeh, quand on regarde les pyramides, tout est affaire de distance. De trop près, la perspective est écrasée. De trop loin, ce n’est pas ça non plus. Alors, j’ai beaucoup marché, fait du stop, loué un dromadaire, affrété un taxi pour trouver la plus belle vue. Sans surprise, j’en conviens, l’endroit idéal reste celui connu de tous les chameliers du cru. Là-bas vers le sud, cet affleurement rocheux légèrement surélevé est inoubliable en fin de journée lorsque la lumière rasante se prend dans la poussière des méharées touristiques. Jadis, chaque pyramide était recouverte de plaques de calcaire qui, en reflétant le soleil, dissimulaient aux yeux des pillards l’entrée de l’édifice. Au sommet, un pyramidion en or devait briller de mille feux. Tout cela a disparu. Pilleurs et maçons se sont servis transformant la grande nécropole de Gizeh en vaste carrière de pierres. Seules demeurent les pyramides, grandes et petites. Dromos, mastabas, temples funéraires et autres palais ont été arasés. L’opiniâtreté des archéologues a néanmoins fait des miracles.
En 1954, deux grandes fosses parfaitement dissimulées livrent chacune une barque solaire sous la forme d’un astucieux puzzle géant de 1 224 pièces. Celle exposée au pied de la pyramide de Chéops aura nécessité dix ans de travail et de réflexion. Bien des mystères planent encore sur le plateau de Gizeh. Découvrira t-on jamais la fameuse chambre secrète de la grande pyramide ? Percera t-on jamais l’énigme du Sphinx, sa signification ? Sous les interrogations, le sable et sous le sable… mystère !
Du sable, il en est aussi question à Saqqarah, l’autre grande nécropole de la région, celle de Memphis, première capitale d’une Egypte réunifiée. De Memphis, il ne reste rien hormis deux colosses de Ramsès II, un sphinx d’albâtre et une gigantesque palmeraie connue pour la douceur de ses dattes. En revanche, à la lisière du désert, sur le plateau aride et désolé qui domine la vallée fertile, s’élève l’ancêtre des pyramides d’Egypte. Elevée par l’architecte Imhotep, chancelier du pharaon Djéser, en l’An 2 800 avant Jésus-Christ, cette pyramide à degrés serait le plus vieil édifice en pierre de taille de l’humanité. Ni plus ni moins. Là aussi, le temps, les hommes et le sable ont nivelé le site. Là aussi, les archéologues ont fait des miracles, creusant, sondant sans cesse, mettant chaque fois à jour de nouveaux trésors. En 1851, Auguste Mariette découvre le Serapeum, sépulture souterraine dédiée au dieu Apis. Vingt-huit momies de taureaux sont exhumées. Dans les années 1990, Alain Zivie accède à la fabuleuse nécropole des chats riche de milliers de momies de félins plusieurs fois millénaires. Entre-temps, Jean-Philippe Lauer aura consacré toute une vie à ce site unique, redressant ici les colonnes fasciculées de la salle hypostyle, trouvant là la plus ancienne statue égyptienne de taille réelle – celle du roi Djéser -, dégageant ailleurs des bas-reliefs de toute beauté. Et ce n’est là que le début. Le site s’allonge sur plus de 8 km et comprend les pyramides de Pépi 1er, Pépi II, Téti et Mérenrê.
Ali, mon chauffeur de taxi, a le sourire des bons jours. Je viens de lui annoncer que nous partions pour Dahshûr, une quinzaine de kilomètres de plus à mettre à son compteur qui en affiche déjà pas mal. Ce site, zone militaire pendant des années, a été ouvert au public en 1996. Peu de gens le savent encore, ce qui rend la visite bien agréable. Sur les cinq pyramides posées en plein désert, deux ont été commandées par Snéfrou, premier pharaon de la IVème dynastie. La première est rhomboïdale, l’autre rouge. Les spécialistes estiment qu’il s’agit là des premières vraies pyramides, l’étape intermédiaire entre Djéser et Chéops. La forme rhomboïdale de la première pyramide, qui a par ailleurs gardé l’essentiel de son revêtement de calcaire poli, est due à l’angle d’inclinaison qui passe subitement de 54° à 43° vers la moitié de l’édifice.
Problème architectonique, volonté délibérée du pharaon… nul ne sait mais, en tout cas, l’effet est saisissant. En reculant un peu, cette cassure dans la pente est bien visible d’autant que, dans le lointain, la forme harmonieuse et parfaite de la pyramide rouge rappelle les canons de beauté qui présideront désormais à la construction de celle de Chéops. Je profite du peu d’affluence pour me risquer à l’intérieur de la seconde pyramide de Snéfrou. Après avoir grimpé une bonne centaine de marches en plein soleil, je tombe sur le gardien qui m’indique le chemin à suivre. Des marches encore mais qui descendent. Le gardien, lui, s’en retourne tranquillement à l’extérieur me laissant seul face à un trou noir. La première ampoule n’apparaît que bien plus tard et bien plus bas quasiment au niveau de la première salle. Des voix et une lueur falote me montrent la voie. Un autre gardien est là, bien content de me voir et de me raconter tout ce qu’il sait sur cette chapelle funéraire qui, semble t-il, n’abrita jamais la dépouille royale.